Une première naissance pour 2020

La pouliche de Zermany est née le 25 mars 2020.
Zermany et sa pouliche née en 2020

Chez nous, les juments passent une grande partie de l'année en stabulation, avec accès libre aux prés. Pour les poulinages, je les rapproche de la maison. En effet, je préfère surveiller les naissances, même si j'interviens très peu. C'est vraiment trop bête de perdre un poulain parce que la poche ne s'est pas ouverte; il est tellement facile de régler le problème si on est là au bon moment que je préfère ne pas prendre le risque.

Elles passent la nuit au box puis sortent au pré la journée pendant cette période. J'ai un système de surveillance qui me permet d'être avertie quand la jument se roule, juste au moment du poulinage.

 

Donc, les juments sont revenues à la maison le 22 mars. Zermany devrait être la première à pouliner; son terme théorique est au 1er avril. Depuis une quinzaine de jours, sa mamelle a grossi et s'est tendue, puis s'est réduite, puis a regrossi fortement vers le 23. Le 24 au soir, la mamelle est extrêmement dure, très tendue. Un peu de cire est apparue sur les trayons. Je mets la ceinture et je la règle sur la position la plus sensible, celle qui téléphone à tout bout de champ, dès que la jument se couche un peu mais je pense qu'il va falloir que je réagisse vite, cela me paraît imminent.

 

Nous faisons le soir une bonne séance de massage du ventre, qu'elle adore. Sa voisine de box est Delta, une bonne copine.

A 2h, un coup de fil. Le temps de m’habiller vite fait, de descendre et de traverser la cour, j'arrive au box. La jument est couchée, le poulain a encore les postérieurs à l'intérieur mais la poche ne s'est pas ouverte. Un bruit d'aspiration me fait monter l'adrénaline d'un coup, je rentre comme une folle dans le box , je perce la poche, je retire la ceinture et je ressors aussi sec. Zermany s'est levée, un peu offusquée de mon attitude inhabituelle.

 

Tout va bien, le poulain respire, la jument le lèche, la communication s'établit. J'appelle toute la famille qui vient s'extasier un petit peu puis repart se coucher.

 

C'est maintenant la période la plus longue: la surveillance. Pour moi, il y a des étapes importantes que je surveille quoiqu'il arrive.

1- le poulain se lève (=> ici, OK en 1/2h, cool)

2- le poulain tète; là, c'est plus pénible. en général, il tourne, sent, léchouille, tétouille, rate son coup, la jument bouge, tente de le guider (ou pas! mais Zermany assure), ça dure, ça dure, c'est long, il fait froid, j'ai envie d'aller me recoucher. Pendant ce temps, je m'occupe, je remets de la paille dans le box et surtout je teste le colostrum (vérification de sa concentration en anticorps; j'ai un colostromètre). Là, celui de Zermany est bon, pas formidable mais bon. Je connais bien mes juments et leurs qualités maternelles et je sais que je peux prélever un peu de colostrum pour me faire ma banque personnelle en cas de pépin et pour en vendre un peu, ça ne manquera pas au poulain. Quand le poulain tourne et n'est pas efficace, souvent, il a droit à un microlax pour évacuer le mécomium (1er crottin du poulain, tout noir, un peu collant, bref, pas toujours facile à sortir). C'est parfois un peu sportif pour le mettre mais le poulain finit par comprendre. Après, en général, ça marche mieux, il n'a plus mal au ventre et peut se concentrer à trouver la mamelle... Une fois qu'il est branché, que la succion et la déglutition sont en route (ça fait du bruit, c'est pas dur à contrôler!), il me reste encore à vérifier un truc.

3- la jument délivre bien dans un délai maximum de 6h. Si elle ne délivre pas, le risque est important pour elle (coliques de poulinage, infections...). ça  me stresse tellement, qu'en général, j'ai prévu d'avoir de l'ocytocine (pas cette fois ci mais bon...) et d'en faire une piqûre à la jument pour l'aider par des contractions à évacuer la délivrance.  Au delà de 6h, s'il ne s'est toujours rien passé, je m'inquiète et j'appelle le vétérinaire. J'arrive à aller dormir un peu en attendant.

Cette fois ci tout s'est bien passé. Zermany a délivré entre la 4ème et la 6ème heure. La délivrance est entière (là, c'est un peu gore, il faut la déplier et vérifier qu'il ne manque pas de morceaux, mais on s'y fait très bien). Merci la formation au Haras du Pin pour apprendre à regarder ça!

 

Tous les ans, je repense à tous ceux qui m'ont aidée à devenir un peu professionnelle pour cette période: les formateurs du Pin, Sandrine (Horse Connection), Isabelle et Stéphane (élevage de Seguret), Cécile (élevage du Vincou), Rym (Haras du Chatenet)... J'en ai appelé certains les premières nuits des premières années avec la boule au ventre. Maintenant, je sais un peu mieux me tenir.

 

Tous les ans, j'essaie aussi de faire des photos, mais elles sont quasiment toujours épouvantables. Mais je persiste, allez savoir pourquoi.

 

Le lendemain, je suis souvent au radar, il n'y a plus à espérer que la journée ne soit pas trop dure. La majorité du temps, le poulain met un licol dès sa première sortie au pré et ce pour une ou deux semaines, pour s'habituer. Ensuite, ce sera plus facile de leur ré expliquer comment ça se met.

 

Afin de permettre à la jument de bien établir sa relation avec son poulain, je la mets au pré séparément de ses copines les premiers jours, mais dans un pré contigu. Tout le monde fait ainsi connaissance en douceur et on évite les problèmes de dominance que je ne trouve pas opportuns dans ces premiers jours.

 

Voilà pour cette première naissance de 2020. Cette année, c'est la lettre K.